Salaires des banquiers, une rente menacée?

Ouvrir une discussion sur les coûts de la banque privée équivalait jusqu’à présent à évoquer la taille des back-offices ou de l’informatique. Avec la pression accrue sur les marges, la réflexion s’axe désormais sur le poste principal, les salaires, et notamment sur ceux des banquiers.

Il ressort d’une enquête de l’Institut du travail de Saint-Gall que le secteur bancaire bénéficie d’une prime de 7,9% par rapport à la moyenne nationale des services. Cette prime s’amplifie pour la banque privée, et explose pour les responsables de comptes. Si les rémunérations dans la banque privée ne sont pas choquantes, le manque de corrélation entre la valeur ajoutée par certains employés et leur rétribution peut à la longue poser problème. La persistance d’un lien fort entre les rémunérations et la masse sous gestion ne contribue pas nécessairement à la transparence de la mesure de la performance du gérant ou du responsable de compte. Elle ignore le futur, car peu de banques escomptent dans leurs calculs de rémunérations une fortune vieillissante, alors même que l’espérance de gains diminue avec le transfert intergénérationnel.

Des rentes de situation

Les conséquences des surprimes sont que le retour d’un collaborateur vers le marché du travail s’accompagne d’une telle perte de gain que la crainte de la diminution de revenu génère des effets de bord. La rétention d’informations ou de clients, voire le choix de solutions d’investissement suboptimales mais assurant des zones de compétences exclusives sont autant de phénomènes bien connus des directions de banque. On en arrive parfois à de véritables rentes de situation, où le collaborateur fait payer à la banque le risque potentiel qu’il lui fait encourir (possibilité de débaucher la clientèle, réputation).

Menace de départs

Si la prise de conscience gagne peu à peu les banques, les expériences malheureuses de réorganisation des fonctions de gestion font réfléchir plus d’une direction. Combien de comptes perdus au profit d’autres institutions de la place suite au départ d’équipes entières en réaction à l’introduction d’organisations plus industrielles ou contrôlées? Mais il n’en reste pas moins qu’accepter et pérenniser les modèles actuels de rémunération fragiliserait durablement les banques.

La cause semble entendue pour les gérants seniors. Toute remise en cause de leur modèle entraînera vraisemblablement un risque important. Mais une fenêtre d’opportunité de cinq à dix ans s’ouvre grâce aux départs en retraite: la banque se devra d’assurer la reprise de sa clientèle par ses nouvelles équipes, tout en prévenant la reconduction tacite des modèles de rémunération précédents et en préservant son fonds de commerce des prédateurs…

Vers de nouveaux modèles de rémunération

Un sens de la responsabilité de la place sera probablement nécessaire pour mener à bien cette transition vers de nouveaux modèles de rémunération et d’organisation permettant de mieux associer les banquiers à la valeur qu’ils créent effectivement.

Le Temps. 27 mars 2006