Des produits fiscaux… en Eurovision

Stratégies pour profiter de niches fiscales ou éviter les taxations confiscatoires.

Pour passer de la banque offshore internationale à la réalité multilocale, deux approches sont possibles: l’intégration des fiscalités au niveau des systèmes, ou la structuration de véhicules d’investissement fiscalement optimisés. La seconde approche, partielle, procède de deux objectifs différents. L’un consiste à profiter de niches fiscales, l’autre à éviter les taxations confiscatoires de certains pays.

Parmi les produits fiscalement privilégiés, la France nous offre les PEA (Plan d’épargne actions). Ces produits ont été créés pour encourager l’épargne salariale. Un écueil: l’avantage fiscal octroyé implique des restrictions d’investissement qui entrent en conflit avec les principes de diversification internationale. En effet, les PEA autorisent uniquement l’investissement en actions françaises et européennes.

Les firmes novatrices en matière de produits s’attachent à contourner ces restrictions. Plusieurs PEA spécialisés sur le Japon et les marchés émergents ont été autorisés cette année. Pour ce faire, les véhicules réalisent des investissements sur des actions européennes, dont ils échangent les cash-flows avec une ligne d’investissement sur le Japon. Le client obtient donc les rendements attrayants d’un marché extérieur, tout en étant possesseur d’actions européennes et de ce fait éligible au statut fiscal privilégié.

Les produits qui évitent les taxations confiscatoires procèdent d’une démarche similaire. Chaque système fiscal contient des mesures incitatives fortes. L’Italie punit les liquidités improductives et non risquées à 27%, l’Allemagne taxe les plus-values spéculatives dans la taxation ordinaire, soit jusqu’à 50%, etc. Techniquement, les solutions impliquent des véhicules d’investissement qui assurent les transformations temporelles ou de la nature de l’investissement, en masquant les mouvements réels sous-jacents. L’utilisation de certificats répliquant une ligne de gestion de 13 mois et un jour exclut celui-ci de la possession spéculative.

Pour l’Italie, il est nécessaire de modifier la nature de l’investissement. L’épargne en liquidités étant fiscalement découragée, on crée des produits dont le fonctionnement opérationnel les exclut de la définition d’un dépôt. Si les dépôts sont taxés fortement, les prêts directs à une entreprise ne le sont que marginalement. Dès lors, l’utilisation de REPOS inversés permet d’échapper à cette taxation.

La même pénalité concerne la structuration des swaps domestiques (Domestic Currency Swap), contrairement à leurs homologues européens. Pour éviter de dépasser la limite des liquidités autorisées, on évite les transferts de liquidités à l’ouverture et à la clôture. Seule la différence nette est inscrite dans les comptes de la banque, réduisant de fait les mouvements de liquidités.

En conclusion, l’univers des produits bancaires dédiés à la gestion des fiscalités évolue très fortement, mais la sensibilité des autorités est à fleur de peau, d’autant que bon nombre de produits sont soumis à acceptation. Contrairement aux produits standards, la spécialisation par marché est très forte et aucune banque ne couvre à des conditions intéressantes l’ensemble des marchés.

Pour les banques qui veulent faire structurer, l’appel à des spécialistes pour faire autoriser les produits ainsi qu’une veille constante des conditions fiscales locales et de la pratique est nécessaire. Pour les investisseurs, une sélection pointue sur les aspects risques, revenus, fiscalité et coûts est nécessaire.

Le Temps. 21 novembre 2005